Après la seconde guerre mondiale, à la reprise des 24 heures du Mans, l’argent faisant cruellement défaut, les constructeurs français ne pouvaient prétendre jouer les premiers rôles, mais des artisans tels que Amédée Gordini, Charles Deutsch ou René Bonnet firent les beaux jours de la course dans la course, appelé indice de performance. Il s’agissait d’une règle de trois prenant en compte la cylindrée, le poids et la moyenne horaire. Elle permettait de désigner la voiture auteure du meilleur rendement sur ces trois données.

Panhard, fournisseur des moteurs des Monopoles (fabricant de pistons à Poissy), des DB (Deutsch-Bonnet) mais aussi Renault fit ainsi des prouesses. Il fut rejoint par les italiens (Osca et Stanguellini) et surtout les britanniques. Lotus se révèlera redoutable d’efficacité, grâce surtout à l’aérodynamicien Franck Costin qui créera les modèles XI, puis XV, surnommé « la limande » du fait de la finesse de sa ligne, et aussi grâce à l’Elite, remarquable coupé aux lignes fluides et intemporelles, fine et légère car en fibre de verre. La guerre franco-britannique fût intense. Les DB Panhard firent merveilles, remportant la course à l’indice en 1954, 1956, 1959, 1960, 1961, le moteur Panhard ayant déjà remporté quatre fois le classement à l’indice dans les châssis Monopole en 1950, 1951, 1952, et châssis Panhard en 1953. Charles Deutsch dont les talents d’aérodynamicien émergent, réalise des carrosseries de plus en plus fines, de plus en plus efficaces, en aluminium jusqu’en 1960 environ puis en fibres de verre, abaissant le poids encore plus sensiblement. Les victoires des Lotus en 1957 et Osca en1958 amenèrent une réaction rapide de DB avec le modèle HBR4 dont il est question ici.

Des relais de plus de trois heures

Sortie en 1959, le nouveau modèle, superbement profilé (13 cm de garde au sol), s’impose d’emblée avec Jacques Cornet et René Cotton (qui deviendra directeur de la compétition chez Citroën plus tard), au classement à l’indice de performance avec le châssis n°1093 et une 9ème place au classement général (rarissime avec 748 cm3 de cylindrée). C’est elle qui fait partie maintenant des collections de l’Automobile Club de l’Ouest. Avec une moyenne de 145,227 km/h, portant le numéro 46, cette voiture en aluminium, ne dépasse pas les 463 kilos avec une répartition de poids (moteur bicylindre Panhard, refroidi par air) largement portée sur l’avant (répartition amenant une différence sensible des voies avant et arrière). La capacité du réservoir de 98 litres permet aux pilotes d’effectuer des relais de plus de trois heures. Lors des visites guidées du Musée des 24 Heures du Mans, le guide peut aisément lever la voiture par l’arrière en la prenant par les niches de feux rouges. C’est une des voitures de course largement connue des enfants grâce au modèle réduit au 1/43ème que produisit Solido, facilement reconnaissable au vaste parebrise caréné qui fut pour beaucoup dans son efficacité. La place du passager était même couverte d’un plexiglas translucide, évitant les remous d’air. En 1959, un appuie-tête caréné guidait l’air derrière le casque du pilote.

Même s’il a participé aux 24 heures du Mans, 1960 et 1961, ce châssis 1093, dépourvu de son carénage post pilote ne connut plus la victoire à la suite de son abandon en 1960 après 4 heures de course et même chose en 1961 après 20 heures de ronde cette fois, et à chaque fois sur défaillance de piston cassé. En revanche sa jumelle, châssis 1091, remportera l’indice en 1960 à 141,294 km/h de moyenne et en 1961 aussi à 144,498 km/h avec un moteur ramené à 701 cm3 ces deux années-là, à la suite d’une modification du règlement technique des 24 Heures. L’apparition, en 1959 de l’indice au rendement énergétique rendra moins lisible le poids de la victoire à l’indice de performance qui disparait en 1972

Une voiture restaurée et qui fonctionne parfaitement

Restaurée, la DB Panhard des collections ACO a été repeinte en présentant sur ses flancs et son capot, les numéros des trois victoires à l’indice de ce type d’HBR4. Lors du démontage de la voiture, une fracture du châssis monopoutre avait été décelée sur la partie avant droite, due aux vibrations importantes de son moteur, lequel est fixé au châssis par d’énormes silentblocs. La désagrégation du caoutchouc ayant réduit la capacité d’absorption du silentbloc, le châssis entrant en résonnance avait fini par se rompre. La voiture fonctionne parfaitement pour qui sait se jouer du levier de vitesse relativement imprécis.

Le tandem Deutsch/Bonnet divorce en 1962 et si Charles Deutsch (châssis CD Panhard) remporte le classement à l’indice de performance, cette année-là, en 1963 René Bonnet qui s’est tourné vers Renault pour la fourniture de moteur, gagne le classement à l’indice énergétique (première édition) avec un coach à moteur central qui deviendra Matra Djet fin 1964. Alpine gagnera l’indice énergétique en 1964 et 1966 puis la disparition progressive des petites cylindrées aux 24 Heures sera effective. Il faudra attendre 1972 pour entendre, de nouveau, la Marseillaise, pour la victoire de Matra au classement général cette fois.

Grâce au Musée des 24 Heures du Mans et ses 140 véhicules, l’Automobile Club de l’Ouest vous raconte l’épopée de l’automobile dans la Sarthe et le succès de son épreuve internationale. Bentley, Ferrari, Jaguar, Ford, Porsche, Matra, Audi, Peugeot, Toyota … tous les grands noms y sont représentés par leurs modèles mythiques qui immergent le visiteur dans la plus grande course d’endurance au monde. 350m² d’expositions temporaires viennent compléter ce parcours thématisé qui peut se poursuivre par la visite du célèbre circuit des 24 Heures du Mans.